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PandAI

PandAI

Un roman inspiré de la réalité écrit pendant les quinze prochains jours de confinement.


Chapitre 2: trajectoire

Publié par Pandai Man sur 31 Mars 2020, 22:11pm

Seule dans la cuisine, 6h15, Olivia préparait son café du matin comme à son habitude: bien serré pour tenir les 9 heures qu’elle allait passer au service de réanimation sans manger.. Il restait encore des viennoiseries achetées le weekend, un peu dures mais bon ça passe en cette période de restrictions. Sa tasse à la main, elle alla dans le salon où les premières lueurs du jour arrivaient et caressaient les photos des enfants posées sur la cheminée. Louis et Arthur en portraits sous les tirs du photographe scolaire, un sourire forcé pour l’un et naïf pour l’autre, les caractères étaient déjà bien trempés. 

Une fois douchée, Olivia signa et embarqua sa dérogation de sortie pour raisons professionnelles: attention à l’horaire l’avait t’on prévenue, l’amende était passée de 135 euros à 200 euros en cas de récidive pour empêcher les insouciants de risquer la vie des autres. Elle fila attraper son tramway qui l’emmena en centre ville de Paris où elle rejoignit un collègue pour parcourir les derniers kilomètres jusqu’à l'hôpital en voiture. Pas question de prendre le métro par les temps qui couraient non pas qu’ils constituaient un foyer de germes mais l’absence de fréquentation présentait un risque bien plus grand à cette heure ci pour une femme seule. 

C’est sa collègue Colette qui l’accueillit, déjà en poste et prête au briefing du matin:

- L’équipe de nuit a encore installé 3 nouveaux lits déjà occupés par des patients fortement touchés, dont un sous respirateur. On a pris la zone de pause du personnel donc on fait sa pause dans la chambre de sieste. On a atteint déjà notre capacité maximale puisque 8 nouveaux cas positifs sont arrivés sur le dernier quart. Pour les masques, les autorités ont lancé des approvisionnements de l’étranger, on parle d’1,4 Milliards de masques commandés mais pour nous ça ne va pas changer grand chose: on utilise 2 masques par personne pour chaque période de 18 heures. Je sais, ce n’est pas la règle mais on régule le stock du coffre fort. A part ça, David a encore constaté des vols hier soir et on cherche encore un respirateur: soyez vigilants. Des remarques, commentaires ? Non. Bon, au boulot et bonne journée à tous.

Le briefing était de plus en plus court, même plus la revue détaillée de chaque patients atteints par d’autres pathologies. Colette se dirigea vers Olivia:

- Tu as vu ce qu’on a mis sur ma porte dit-elle en présentant un papier sur lequel était écrit: “Merci d’éviter de toucher les parties communes. Nous sommes inquiets pour notre santé. En vous remerciant pour votre compréhension. Encore bravo pour ce que vous faites. La famille du dessous”. J’espère ne pas la voir arriver en réa celle-la.

A la vue du mot écrit à la main tremblante, Olivia se remémora l’attitude de Tom de la veille, choqué par ce monde “devenu fou” comme il l’avait dit. Cela contrastait avec l’énorme sentiment de solidarité et de reconnaissance symbolisé par les applaudissements au balcon à 20 h mais tellement conforme à une société qui s’individualisait. Tout en mettant sa blouse, ses gants, son masque, l’un des deux permis pour la journée, elle marcha vers le premier patient à surveiller, il était sur le ventre, pour faciliter le mouvement de ses poumons sous respirateur. Elle se pencha pour contrôler ses constantes et se releva brusquement prise sous le choc. Elle venait de reconnaître le visage: celui d’un élu de sa petite ville de province.

 

Le soleil irradiait la maison, les enfants avaient croqué leur brioche en deux temps trois mouvements et s’affairaient déjà à leurs devoirs: plus vite ils étaient faits plus tôt on pouvait passer son temps sur les écrans ! Tom était lui déjà en position dans son bureau secondaire: la chambre d’ami aménagée exprès pour bosser, dormir voire manger si les choses venaient à tourner vraiment mal. Dès que les travaux scolaires eurent été téléchargés et mis à disposition des enfants, il attrapa le téléphone pour éclaircir le message reçu de ses équipes la veille:

OBJET:  [URGENT] NOUVEAUX SCRIPTS DE DAPHNEE - DEPLACEMENT DU COVID-19 PREDIT A 97.1%

- Allo Joris?

- Salut Tom, ca farte ? Tu as lu mon message ? On a fait tourner les algos d’apprentissage sur les nouveaux patterns open data reçus via EOD. On s’est dit qu’on allait corréler les diagrammes de flux de transport logistique, les données de déplacement des individus et les données statistiques venant des établissements de santé qu’on a cartographiés préalablement. Tom: DAPHNEE a produit la route du virus pour les 7 prochains jours avec une probabilité quasi sure.

- Salut Joris, je sais que tu es excité par ce genre de découvertes mais je ne comprends pas encore bien l’intérêt pour nos rapports d’acheminement d’EPI. C’est pas le virus qui transporte les masques à ce que je crois ?

- Mon dieu Tom: pas toi. Tu ne vois vraiment pas l’intérêt ? 

Tom avait passé une nuit horrible, froide, tortillé par ce message “urgent” qu’il n’avait pas compris mais plutôt considéré comme annonciateur d’un risque imminent. Quelle période! Le message était incompréhensible mêlant à la fois des chiffres, des cartes colorées, des codes. Trop pour une nuit. 

- Attends: d’un côté on a la trajectoire précise du virus pour les 7 prochains jours et de l’autre côté on fournit aux autorités des routes optimales pour acheminer les hôpitaux selon leurs demandes.

- Et ouai: top non?

- …

- Sérieux ? Mais tu ne comprends pas qu’on peut prédire maintenant le flux des patients dans chaque hôpital pour les 7 prochains jours et envoyer les protections individuelles en quantité suffisante malgré la pénurie ? WTF !

Tom reçut le message en pleine tête et s’assit sur sa petite chaise en paille. Le regard perdu dans le motif en fleur de son papier peint, il bafouilla quelques mots:

- Mmm… euh… combien de vies épargnées ? osa t’il pour challenger son développeur

- Avec 2 trains et 3 hélicoptères de l’armée utilisés pour délester certains hôpitaux, entre 350 et 600, 150 sûrs sans.

- Papa, tu fais quoi? Interrompit Arthur. C’est quoi ces figures ? 

- Arthur, je te rejoins à 10h30, on fera la récréation ensemble.

- Une partie de ballon dehors ? 

- Oui Arthur, je suis au téléphone la c’est important.

- D’accord papa, en lui déposant un baiser collant sur la joue libre et en quittant le bureau de fortune.

Le silence dura quelques minutes le temps que Tom se ressaisisse: il fallait contacter au plus vite le préfet pour livrer ces précieux résultats au plus haut niveau. 

Ce qu’il fit dans l’heure qui suivit.

 

Midi. Malgré l’euphorie provoquée par l’annonce de la découverte de DAPHNEE aux équipes du préfet, Tom pris le temps de faire à manger aux enfants: “la cantine à papa” comme ils aimaient chanter. Bref: des pâtes et du jambon mais le tout bien gratiné !

Arthur arriva dans le salon avec le café préparé pour son “petit papa”: avec un sucre et le dessin d’un bonhomme sur la mousse. 

Tom regardait les informations mais aucune news ne reflétait déjà les conséquences des prédictions qu’il avait livrées. Surement le gouvernement avait besoin de vérifier les données ou de coordonner la logistique associée. Le président fit toutefois une déclaration à la presse sur l’arsenal de guerre: il était question de relocaliser la production d’équipements médicaux et de masques pour redonner de l’indépendance et de la grandeur à la souveraineté européenne. Enfin ! L’industrie automobile allait contribuer à cet effort de guerre en produisant des respirateurs en masse avec le géant de l’air liquide: produire en 50 jours l’équivalent de 3 ans d’équipements. Malgré toutes ces bonnes nouvelles, Tom songeait à son client industriel qui lui avait annoncé un retard du projet de plusieurs mois peut être. Cette période allait être difficile pour tout le monde c’est sur mais lui ne se plaignait pas, il avait encore quelques belles commandes à honorer.

 

- Papa c’est marrant ton dessin. Ça ressemble à des fourmis qui se déplacent. Tu vois: le nid des fourmis il est ici, dit Louise.

- Ne touche pas Louise, c’est pour mon boulot. 

- Oui et bien le nid des fourmis il est quand même ici, tu vois.

Tom s’approcha intrigué par cette analogie surprenante avec le monde des insectes. Ce n’était qu’une carte du flux du virus avec les principaux foyers mondiaux évoluant dans le temps depuis 2 semaines et les prédictions sur la semaine suivante. Il regarda le bout du doigt de sa fille indiquant le fameux “nid des fourmis” et sentit son cœur gonfler aussi gros que le fameux nid de fourmis, rouge, coincé entre deux civilisations : IRAN

Il n’eut pas le temps d’entendre les palpitations monter au même rythme que la sonnerie de son téléphone qu’il décrocha.

- Oui Olivia qu’est ce qu’il y a?

Silence au bout du fil.

- Assis toi. Ils ont testé tout le personnel. Je suis positive, Tom.

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